Le cas, peu connu, d’un des plus grands criminels nazis, Edmund Veesenmayer, le patron d’Adolf Eichmann en Hongrie, illustre parfaitement le fait que, contrairement à ce que prétendent Günter Grass et ceux qui pensent comme lui, la dénazification de l’Allemagne relève pour une grande part du mythe, tout comme le supposé sentiment de culpabilité pour la Shoah – l’extermination de six millions de Juifs européens dont un million et demi d’enfants – qui écraserait la population allemande. Il est navrant qu’un homme qui, comme l’a dit le procureur de Nuremberg, a « causé l’élimination de cinq cent mille juifs de Hongrie et de Slovaquie, l’accusé n’est pas parvenu à assassiner les survivants, qui ont été libérés par les armées alliées », ait pu vivre jusqu’à sa mort tranquillement en Allemagne. Sans avoir été inquiété par la justice ni que ses 500.000 victimes viennent troubler par sa conscience.
« A Nuremberg, Veesenmayer réussit à exploiter le nouvel état d’esprit [la lutte contre le fléau du communisme qui menaçait d’engloutir l’Europe] pour réduire l’énormité de ses crimes. Dans un soupir de soulagement, il apprit le 2 avril 1949 que le Tribunal militaire international ne lui infligeait que vingt ans de prison, mois quatre de préventive. Il échappait à la condamnation à mort. L’ancien proconsul d’Hitler fut écroué à Landsberg, en Bavière. Il n’eut même pas besoin d’aller au bout de sa modeste peine. » Veesenmayer est libéré en 1954.
« Adolf Eichmann, qui avait été le subordonné de Veesenmayer en Hongrie, n’eut pas le même privilège quand un tribunal de Jérusalem le condamna à mort en 1961, pas plus que Sztójay, Jaross, Vajna, Szálasi, Kemény et d’autres, tous anciens laquais de Veesenmayer, qui furent condamnés à mort en 1946 par un tribunal populaire de Budapest. Veesenmayer, chef et presque seul survivant de cette bande de fripouilles, retourna à ses affaires de parfumerie en gros et devin un citoyen riche et respecté de Cologne. C’est en vain que Simon Wiesenthal, le « chasseur de nazis », essaya de faire rouvrir le dossier. Parmi les juges allemands, un grand nombre avait servi quelques années auparavant sous le Führer. Comment auraient-il pu traiter sévèrement un coupable qui était un des leurs? Veesenmayer mourut en 1977 sans avoir été inquiété par la justice ni troublé par sa conscience. »
Voulant obtenir l’autorisation de laisser partir 8.000 enfants et adolescents juifs détenteurs d’un certificat de Palestine, le vice-consul suisse Carl Lutz rencontre Edmund Veesenmayer en 1944 et celui-ci lui dit: « En ce qui concerne les Allemands, ils préfèrent de beaucoup que les juifs hongrois soient concentrés, pour éviter toute possibilité qu’ils n’attaquent les troupes combattantes par derrière ». En 1943, Veesenmayer avait parcouru la Hongrie incognito à la demande personnelle du Führer et lui avait remis un rapport hautement confidentiel. « Il y signalait que les autorités hongroises sabotaient systématiquement la politique allemande et qu’entre autres, le gouvernement hongrois, Horty en tête, ignorait toutes les injonctions allemandes à « résoudre » le problème juif. Cette « désobéissance » n’était pas seulement un affront pour le Führer, insistait Veesenmayer, les juifs constituaient vraimnt un risque militaire aigu. Chacun des 1,1 million de juifs hongrois (il exagérait, car ils n’étaient « que » 750.000) était un espion ou un saboteur potentiel, avide de poignarder dans le dos les braves soldats allemands qui défendaient l’Europe contre ses ennemis. Le soulèvement du ghetto de Varsovie n’avait-il pas montré en 1943 de quoi était capable une bande de juifs désespérés, mais résolus? »
Source: Diplomatie dangereuse, Carl Lutz, l’homme qui a sauvé les juifs de Budapest, par Theo Tschuy
Photo: Yad Vashem
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